29.10.18 in ambassadeurs
mathieu lehanneur
qu’est-ce qui te nourrit dans ton métier, la source de ton inspiration ?
elle se nourrit essentiellement voire exclusivement de ce que nous sommes en tant qu’être humain, et ce de façon assez brute. je suis convaincu que nous n’avons pas du tout évolué depuis que nous sommes sortis de notre caverne. j’ai deux enfants, l’enfance c’est l’état brut de l’humain. depuis qu’ils sont nés, j’ai toujours observé de façon attentive la façon dont ils interagissent avec leur environnement, avec quels objets et ce n’est pas forcément le jouet auquel on s’attend. nos pulsions sont finalement toujours les mêmes : pulsions de pouvoir, de sexe, de transcendance, de croyances, de nidification... ce qui a évolué, ce sont les outils technologiques, les artefacts à disposition. quel que soit le type de projet, je ne me donc pose pas la question de la forme ou de la technique au départ, mais bien de la relation de l’humain à l’état brut et du contexte qui l’entoure. la relation entre un être humain et une chose va ensuite modifier les relations entre les êtres humains entre eux, c’est ce que nous devons garder à l’esprit.
quelles sont les personnes ou projets qui constituent des références pour toi ?
ce ne sont pas les designers qui me nourrissent car ce qu’ils produisent est déjà une nourriture digérée, privée de ses éléments nutritifs. je leur préfère des personnes comme richard buckminster fuller, un américain qui a travaillé aussi bien l’architecture, le design, les mathématiques, les structures géométriques complexes... ce genre de profil m’intéresse car ces personnes ne se sont pas posé la question de leur champ d’expertise mais bien de l’époque et de l’état du monde lorsqu’ils en ont fait partie. ce type d’esprit me rappelle celui des lumières qui consiste à regarder le monde tel qu’il est et à y être une force de proposition, que ce soit en réaction, en adhésion ou en opposition à ce monde. la seul importance, la seule question à se poser c’est « qu’est-ce que j’amène comme réponse dans ce monde? », la restitution peut alors être écrite, théorique, matérielle...
quel compliment te touche sur ton travail de designer ?
ce que j’ai déjà entendu et qui est le plus beau compliment que je puisse recevoir c’est : « avec ce projet là, avec cette chose là, je me sens plus vivant »... car l'émotion la plus importante, c’est bien de prendre conscience que nous sommes vivants aujourd’hui dans ce monde et que c’est un miracle, que nous avions une chance infime d’être là... que des choses - car ce ne sont que des choses que nous réalisons - puisse permettre de prendre conscience de cela, c’est l’objectif et le complément ultime.
la ville qui t’inspire ou te ressemble ?
je me sens assez bien à paris, c’est une ville qui a trouvé son équilibre entre la douceur de vivre et l’énergie nécéssaire pour pouvoir y travailler. je pense aussi à la corse à laquelle je suis profondément attaché sans savoir si je pourrais y vivre. je la vois comme une petite chambre supplémentaire dans l’appartement que constitue une vie. mon père y a vécu pendant la guerre, j’y vais depuis que je suis petit, elle constitue à 1H30 de trajet, la vraie douceur de vivre sans être outrageusement exotique. je ne suis pas quelqu’un qui adore voyager car je n’aime pas du tout le décalage horaire, donc paradoxalement plus je pars loin, plus je réduis mon temps de séjour quitte à rester seulement une journée sur place quand je vais à hong-kong par exemple. je suis définitivement comme néandertal, je ne m’éloigne jamais ni trop longtemps ni trop loin de ma caverne.
elle se nourrit essentiellement voire exclusivement de ce que nous sommes en tant qu’être humain, et ce de façon assez brute. je suis convaincu que nous n’avons pas du tout évolué depuis que nous sommes sortis de notre caverne. j’ai deux enfants, l’enfance c’est l’état brut de l’humain. depuis qu’ils sont nés, j’ai toujours observé de façon attentive la façon dont ils interagissent avec leur environnement, avec quels objets et ce n’est pas forcément le jouet auquel on s’attend. nos pulsions sont finalement toujours les mêmes : pulsions de pouvoir, de sexe, de transcendance, de croyances, de nidification... ce qui a évolué, ce sont les outils technologiques, les artefacts à disposition. quel que soit le type de projet, je ne me donc pose pas la question de la forme ou de la technique au départ, mais bien de la relation de l’humain à l’état brut et du contexte qui l’entoure. la relation entre un être humain et une chose va ensuite modifier les relations entre les êtres humains entre eux, c’est ce que nous devons garder à l’esprit.
quelles sont les personnes ou projets qui constituent des références pour toi ?
ce ne sont pas les designers qui me nourrissent car ce qu’ils produisent est déjà une nourriture digérée, privée de ses éléments nutritifs. je leur préfère des personnes comme richard buckminster fuller, un américain qui a travaillé aussi bien l’architecture, le design, les mathématiques, les structures géométriques complexes... ce genre de profil m’intéresse car ces personnes ne se sont pas posé la question de leur champ d’expertise mais bien de l’époque et de l’état du monde lorsqu’ils en ont fait partie. ce type d’esprit me rappelle celui des lumières qui consiste à regarder le monde tel qu’il est et à y être une force de proposition, que ce soit en réaction, en adhésion ou en opposition à ce monde. la seul importance, la seule question à se poser c’est « qu’est-ce que j’amène comme réponse dans ce monde? », la restitution peut alors être écrite, théorique, matérielle...
quel compliment te touche sur ton travail de designer ?
ce que j’ai déjà entendu et qui est le plus beau compliment que je puisse recevoir c’est : « avec ce projet là, avec cette chose là, je me sens plus vivant »... car l'émotion la plus importante, c’est bien de prendre conscience que nous sommes vivants aujourd’hui dans ce monde et que c’est un miracle, que nous avions une chance infime d’être là... que des choses - car ce ne sont que des choses que nous réalisons - puisse permettre de prendre conscience de cela, c’est l’objectif et le complément ultime.
la ville qui t’inspire ou te ressemble ?
je me sens assez bien à paris, c’est une ville qui a trouvé son équilibre entre la douceur de vivre et l’énergie nécéssaire pour pouvoir y travailler. je pense aussi à la corse à laquelle je suis profondément attaché sans savoir si je pourrais y vivre. je la vois comme une petite chambre supplémentaire dans l’appartement que constitue une vie. mon père y a vécu pendant la guerre, j’y vais depuis que je suis petit, elle constitue à 1H30 de trajet, la vraie douceur de vivre sans être outrageusement exotique. je ne suis pas quelqu’un qui adore voyager car je n’aime pas du tout le décalage horaire, donc paradoxalement plus je pars loin, plus je réduis mon temps de séjour quitte à rester seulement une journée sur place quand je vais à hong-kong par exemple. je suis définitivement comme néandertal, je ne m’éloigne jamais ni trop longtemps ni trop loin de ma caverne.
« ce type d’esprit me rappelle celui des lumières qui consiste à regarder le monde tel qu’il est et à y être une force de proposition, que ce soit en réaction, en adhésion ou en opposition à ce monde. »
qu’est-ce que l’art de vivre selon toi ?
mon art de vivre, c’est cette recherche permanente - mais jamais résolue - de parvenir à travailler là où je vis et à vivre là où je travaille. à trouver l’équilibre sans que l’un et l’autre se cannibalisent, ce n’est jamais résolu et à re-configurer en permanence. le travail, la vie, la famille changent mais je suis toujours attentif à cet équilibre, il faut être vigilant sur les conditions que l’on se donne pour travailler et vivre. je continue donc de réfléchir à la solution idéale. j’aime vivre avec peu de choses et travailler avec peu de choses aussi finalement.
tes matériaux de prédilection ?
aucune matière de prédilection, à part le cerveau. les projets se dessinent à travers un entre deux, entre nous et eux, la matière n’est qu’une résultante de cela. qu’il s’agisse de marbre, de plastique, de métal, de cuir, je n’adhère à aucune hiérarchie ou échelle de valeur dans les matières, elles ne sont qu’un moyen. il faut les regarder avec la même distance et le même respect, comme on devrait respecter le langage le plus châtié et l’argot le plus urbain.
as tu des projets design qui constituent des référence ?
je pense d’abord à ces pissotières développées pour les lieux publics, à l’ingéniosité développée pour trouver une solution au fait que les hommes en foutent toujours partout - que ce soit volontaire ou non. ces pissotières ont une petite mouche qu’il faut viser, imprimée en sérigraphie sur l’émail. et instinctivement, primairement, nous ne pouvons nous empêcher de la viser. c’est une réponse minimale et maximale à la fois, qui s’intéresse vraiment à la façon dont un homme continue de se considérer comme un chasseur et à voir son sexe comme un fusil. c’est d’une efficacité redoutable entre l’œuvre d’art dadaïste et l’objet résolument fonctionnel. je pense aussi à un autre objet dadaïste, qui a révolutionné l’architecture : les escaliers roulants. Ils sont d’une poésie absolue, le fruit d’un ingénieur ou d’un poète, qui est parvenu à faire passer l’objet le plus statique qui soit à un objet mouvant. c’est quelque chose d’impossible rendu possible et qui a transformé l’architecture des centres commerciaux.
ta forme fétiche ?
la sphère. je n’ai jamais cherché à analyser pourquoi. il y a chez elle une forme de permanence, de part son existence à l’échelle naturelle dans l’infiniment petit (la cellule) jusqu’à l’infiniment grand (la planète). elle est l’alpha et l’omega de notre monde et nous nous trouvons au milieu. il y a dans la sphère une vraie densité spirituelle, une évidence. prenez un enfant et une sphère, elle gagnera toujours parmi les autres jouets. elle vous invite à la toucher, à la prendre, à taper dedans avec le pied... elle nous appelle constamment. une sphère n’est jamais ratée, quelle que soit sa matière, elle est toujours magique.
ton plus gros challenge réalisé ou à réaliser ?
ce sera simplement mon dernier jour de me dire je suis heureux de la vie telle que je l’ai vécue, que c’est vraiment celle que je voulais vivre.
ton rituel dans ton métier ?
il se déroule avant la page blanche. je ne sors la fameuse page blanche qu’une fois que je sais ce que je veux y dessiner. la page n’arrive qu’au moment où je sais. je me méfie de la main, elle a des facilités et des virtuosités de forme. si vous laissez faire la main, elle va griffonner des choses parce qu’elle les aime ou bien sait les dessiner naturellement. je ne donne de stylo à ma main que lorsque mon cerveau est en mesure de lui dire exactement ce qu’elle va faire et qu’elle va obéir. on en revient toujours à cette matière première qu’est le cerveau, à sa capacité à imaginer et concevoir à changer en une fraction de seconde la forme, l’échelle, les matériaux... la main n’est là que pour retranscrire et fixer la pensée. ainsi, lorsqu’un projet se termine il me faut immédiatement en enlever toutes les traces, les prototypes, les maquettes etc... il faut qu’il disparaisse pour ne pas influencer ce qui va prendre place en suite. que ce soit pour réfléchir, dessiner, écrire, il faut utiliser un terrain vierge, donc repasser au vide pour laisser la place.
mon art de vivre, c’est cette recherche permanente - mais jamais résolue - de parvenir à travailler là où je vis et à vivre là où je travaille. à trouver l’équilibre sans que l’un et l’autre se cannibalisent, ce n’est jamais résolu et à re-configurer en permanence. le travail, la vie, la famille changent mais je suis toujours attentif à cet équilibre, il faut être vigilant sur les conditions que l’on se donne pour travailler et vivre. je continue donc de réfléchir à la solution idéale. j’aime vivre avec peu de choses et travailler avec peu de choses aussi finalement.
tes matériaux de prédilection ?
aucune matière de prédilection, à part le cerveau. les projets se dessinent à travers un entre deux, entre nous et eux, la matière n’est qu’une résultante de cela. qu’il s’agisse de marbre, de plastique, de métal, de cuir, je n’adhère à aucune hiérarchie ou échelle de valeur dans les matières, elles ne sont qu’un moyen. il faut les regarder avec la même distance et le même respect, comme on devrait respecter le langage le plus châtié et l’argot le plus urbain.
as tu des projets design qui constituent des référence ?
je pense d’abord à ces pissotières développées pour les lieux publics, à l’ingéniosité développée pour trouver une solution au fait que les hommes en foutent toujours partout - que ce soit volontaire ou non. ces pissotières ont une petite mouche qu’il faut viser, imprimée en sérigraphie sur l’émail. et instinctivement, primairement, nous ne pouvons nous empêcher de la viser. c’est une réponse minimale et maximale à la fois, qui s’intéresse vraiment à la façon dont un homme continue de se considérer comme un chasseur et à voir son sexe comme un fusil. c’est d’une efficacité redoutable entre l’œuvre d’art dadaïste et l’objet résolument fonctionnel. je pense aussi à un autre objet dadaïste, qui a révolutionné l’architecture : les escaliers roulants. Ils sont d’une poésie absolue, le fruit d’un ingénieur ou d’un poète, qui est parvenu à faire passer l’objet le plus statique qui soit à un objet mouvant. c’est quelque chose d’impossible rendu possible et qui a transformé l’architecture des centres commerciaux.
ta forme fétiche ?
la sphère. je n’ai jamais cherché à analyser pourquoi. il y a chez elle une forme de permanence, de part son existence à l’échelle naturelle dans l’infiniment petit (la cellule) jusqu’à l’infiniment grand (la planète). elle est l’alpha et l’omega de notre monde et nous nous trouvons au milieu. il y a dans la sphère une vraie densité spirituelle, une évidence. prenez un enfant et une sphère, elle gagnera toujours parmi les autres jouets. elle vous invite à la toucher, à la prendre, à taper dedans avec le pied... elle nous appelle constamment. une sphère n’est jamais ratée, quelle que soit sa matière, elle est toujours magique.
ton plus gros challenge réalisé ou à réaliser ?
ce sera simplement mon dernier jour de me dire je suis heureux de la vie telle que je l’ai vécue, que c’est vraiment celle que je voulais vivre.
ton rituel dans ton métier ?
il se déroule avant la page blanche. je ne sors la fameuse page blanche qu’une fois que je sais ce que je veux y dessiner. la page n’arrive qu’au moment où je sais. je me méfie de la main, elle a des facilités et des virtuosités de forme. si vous laissez faire la main, elle va griffonner des choses parce qu’elle les aime ou bien sait les dessiner naturellement. je ne donne de stylo à ma main que lorsque mon cerveau est en mesure de lui dire exactement ce qu’elle va faire et qu’elle va obéir. on en revient toujours à cette matière première qu’est le cerveau, à sa capacité à imaginer et concevoir à changer en une fraction de seconde la forme, l’échelle, les matériaux... la main n’est là que pour retranscrire et fixer la pensée. ainsi, lorsqu’un projet se termine il me faut immédiatement en enlever toutes les traces, les prototypes, les maquettes etc... il faut qu’il disparaisse pour ne pas influencer ce qui va prendre place en suite. que ce soit pour réfléchir, dessiner, écrire, il faut utiliser un terrain vierge, donc repasser au vide pour laisser la place.
« la sphère. je n’ai jamais cherché à analyser pourquoi. il y a chez elle une forme de permanence, de part son existence à l’échelle naturelle dans l’infiniment petit (la cellule) jusqu’à l’infiniment grand (la planète). elle est l’alpha et l’omega de notre monde et nous nous trouvons au milieu. »
le type de design qui t’énerve ?
la prévisibilité, parce qu’elle relève de la paresse. cette histoire de main évoquée précédemment évite la prévisibilité. lorsqu’une personne - chanteur, artiste, homme politique - devient prévisible il devient ennuyeux et ne vous intéresse plus. c’est vrai aussi dans nos domaines, qui plus est parce que les choses que nous faisons nous survivent et se doivent donc d’être encore moins prévisibles.
si tu n’étais pas designer, quel métier ferais-tu ?
j’aurais sans doute essayé de créer un métier qui soit entre la psychologie et la chirurgie, qui de façon non hiérarchique pourrait utiliser leurs outils, sans les mettre à un niveau supérieur l’un par rapport à l’autre.
un endroit de prédilection où te trouver habituellement ?
on me trouve le plus souvent dans mon bureau, il est configuré sur deux étages, le premier avec l’équipe et le second dans lequel je suis tout seul. j’alterne entre la sociabilité et la sauvagerie la plus absolue, cela me permet de gérer ces deux états.
ton objet fétiche ? combien pèse-t-il ?
je dirais ma montre. une montre audemars piguet qui m’a été offerte. je n’avais pas de fascination particulière pour les montres ni les accessoires avant. c’est un objet assez lourd, que j’enlève le soir ou au moment des passages de sécurité quand je prends l’avion. en quelques poignées de secondes, il me manque au poignet ce poids qui crée un déséquilibre que j’ai intégré et qui n’est plus là. c’est un poids dont je ne pourrais plus me passer. quand je la mets le matin, elle est froide et il faut quelques minutes pour la ramener à la température du corps, il y a cette inertie de la matière qui va caler sa température que je trouve assez belle. le rapport à la température est intéressant car notre existence est calée sur cette température que l’on maintient qu’elle que soit l'environnement extérieur. le seul moment où notre température va se caler sur cette environnement sera le jour de notre mort, quand nous ne serons plus en réaction pour la maintenir. c’est ce que je trouve beau dans les objets, l’objet meurt et est ramené à la vie car vous le ramenez à votre propre température vitale.
ce qui a du poids dans ta vie ?
là où je voudrais qu’il reste quelques grammes... je pense à ce que je vais laisser. peut-être pas grand chose car je ne suis pas présomptueux quant aux objets.
la prévisibilité, parce qu’elle relève de la paresse. cette histoire de main évoquée précédemment évite la prévisibilité. lorsqu’une personne - chanteur, artiste, homme politique - devient prévisible il devient ennuyeux et ne vous intéresse plus. c’est vrai aussi dans nos domaines, qui plus est parce que les choses que nous faisons nous survivent et se doivent donc d’être encore moins prévisibles.
si tu n’étais pas designer, quel métier ferais-tu ?
j’aurais sans doute essayé de créer un métier qui soit entre la psychologie et la chirurgie, qui de façon non hiérarchique pourrait utiliser leurs outils, sans les mettre à un niveau supérieur l’un par rapport à l’autre.
un endroit de prédilection où te trouver habituellement ?
on me trouve le plus souvent dans mon bureau, il est configuré sur deux étages, le premier avec l’équipe et le second dans lequel je suis tout seul. j’alterne entre la sociabilité et la sauvagerie la plus absolue, cela me permet de gérer ces deux états.
ton objet fétiche ? combien pèse-t-il ?
je dirais ma montre. une montre audemars piguet qui m’a été offerte. je n’avais pas de fascination particulière pour les montres ni les accessoires avant. c’est un objet assez lourd, que j’enlève le soir ou au moment des passages de sécurité quand je prends l’avion. en quelques poignées de secondes, il me manque au poignet ce poids qui crée un déséquilibre que j’ai intégré et qui n’est plus là. c’est un poids dont je ne pourrais plus me passer. quand je la mets le matin, elle est froide et il faut quelques minutes pour la ramener à la température du corps, il y a cette inertie de la matière qui va caler sa température que je trouve assez belle. le rapport à la température est intéressant car notre existence est calée sur cette température que l’on maintient qu’elle que soit l'environnement extérieur. le seul moment où notre température va se caler sur cette environnement sera le jour de notre mort, quand nous ne serons plus en réaction pour la maintenir. c’est ce que je trouve beau dans les objets, l’objet meurt et est ramené à la vie car vous le ramenez à votre propre température vitale.
ce qui a du poids dans ta vie ?
là où je voudrais qu’il reste quelques grammes... je pense à ce que je vais laisser. peut-être pas grand chose car je ne suis pas présomptueux quant aux objets.
je pense plutôt à ma descendance. ce qui a du poids, c’est ce qui va me survivre, c’est cela qui maintiendra ma température. je ne crois pas à une deuxième vie, ni à la vie éternelle, j’ai choisi de tout miser sur celle ci.
ton/tes objets le gramme, quel est/sont-il(s) ? comment les portes/utilises-tu ?
j’ai un bracelet câble 5g en argent 925 et un bracelet ruban 21g en argent 925 lisse poli. le ruban par sa forme me permet de le mettre et de l’enlever, de vivre à chaque fois cette petite expérience de température que j’évoquais.
si le gramme était une chose alors, laquelle serait-elle ?
ce serait une clé sans que je sache encore à quelle porte elle est destinée. qui a en elle ce potentiel d’accéder à autre chose que ce qu’elle est réellement et qui même à l’état d’objet est quelque chose que l’on aime voir, avoir et toucher. la clef revêt cette double lecture de la chose qui sert et qui en même temps a un supplément d’âme.
photographe : antoine harinthe
propos recueillis par chloé prigent
ton/tes objets le gramme, quel est/sont-il(s) ? comment les portes/utilises-tu ?
j’ai un bracelet câble 5g en argent 925 et un bracelet ruban 21g en argent 925 lisse poli. le ruban par sa forme me permet de le mettre et de l’enlever, de vivre à chaque fois cette petite expérience de température que j’évoquais.
si le gramme était une chose alors, laquelle serait-elle ?
ce serait une clé sans que je sache encore à quelle porte elle est destinée. qui a en elle ce potentiel d’accéder à autre chose que ce qu’elle est réellement et qui même à l’état d’objet est quelque chose que l’on aime voir, avoir et toucher. la clef revêt cette double lecture de la chose qui sert et qui en même temps a un supplément d’âme.
photographe : antoine harinthe
propos recueillis par chloé prigent
« c’est ce que je trouve beau dans les objets, l’objet meurt et est ramené à la vie car vous le ramenez à votre propre température vitale. »